
Du Conte au couturier : La Métamorphose parisienne de Konpè Lapen
LA HAUTE COUTURE SELON KONPÈ LAPeN
Au sein de la collection « Konpè Lapen Parisien : Chroniques de la Belle Époque », la série « Fashion Show » représente une incursion audacieuse dans l’univers de la haute couture parisienne de la fin du XIXe siècle. Cette série transforme notre protagoniste créole en véritable icône de style, naviguant avec assurance au cœur des défilés et des présentations de mode qui ont contribué à établir Paris comme capitale mondiale de l’élégance.
UN REGARD CRÉOLE SUR LA MODE PARISIENNE
Alors que la Belle Époque voit l’émergence des grands couturiers comme Charles-Frederick Worth, Paul Poiret et les prémices des maisons de couture qui domineront le XXe siècle, Konpè Lapen s’approprie ces codes vestimentaires avec une sensibilité particulière. Loin d’être un simple spectateur ou imitateur des tendances européennes, il réinterprète les silhouettes parisiennes à travers un prisme créole, introduisant des accents chromatiques vibrants, des associations inattendues et une flamboyance qui défie les conventions.

ANATOMIE D’UNE SILHOUETTE RÉINVENTÉE
Les œuvres de cette série se distinguent par une attention méticuleuse portée aux détails vestimentaires :
- matières précieuses suggérées par le traitement visuel : soieries chatoyantes, velours profonds et cuirs patinés évoquent une sensualité tactile qui enrichit l’expérience.
- coupes architecturales inspirées tant des costumes traditionnels masculins de la Belle Époque que des créations avant-gardistes de Thierry Mugler, créant des silhouettes allongées et sculptées ;
- palette chromatique signature où dominent le noir profond des silhouettes, contrasté par des jaunes solaires, des oranges cuivrés et des touches de pourpre royal ;
- accessoires emblématiques réinventés: cannes à pommeau d’or, montres à gousset, chapeaux structurés et nœuds papillons surdimensionnés deviennent les marqueurs d’une élégance qui transcende les frontières culturelles
UNE CRITIQUE SUBTILE DES HIÉRARCHIES CULTURELLES
Derrière l’apparente célébration de l’élégance parisienne se dessine une dimension plus subversive. En plaçant un personnage créole – traditionnellement associé à la ruse et à la résistance – dans les sphères privilégiées de la haute société parisienne, cette série opère un renversement symbolique des hiérarchies coloniales.
La sophistication extrême des tenues de Konpè Lapen peut être lue comme une forme d’appropriation stratégique des codes dominants, une manière de revendiquer une place dans un univers qui, historiquement, a marginalisé les identités créoles. Le dandy noir qui arpente les boulevards parisiens avec assurance représente ainsi une figure de résistance culturelle par l’élégance.
INFLUENCES ET RÉFÉRENCES
La série « Fashion Show » puise dans un réseau très riche de références :
- la représentations contemporaine d’une mode caraïbo-futuriste qui réinventent les codes vestimentaires occidentaux.
- les premières photographies de mode de la Belle Époque et les illustrations des magazines comme La Gazette du Bon Ton ;
- l’esthétique révolutionnaire, près de cent ans après, des défilés de Thierry Mugler des années 1980-1990 avec leurs silhouettes architecturales et leurs mises en scène théâtrales ;
- les dandys noirs historiques comme Juliano Moreira au Brésil ou Victor Séjour à Paris, qui ont navigué avec élégance dans les sphères culturelles européennes.
UNE ESTHÉTIQUE DISTINCTIVE
Sur le plan technique, cette série se caractérise par :
- un traitement plus sculptural des silhouettes qui accentue la dimension architecturale des vêtements ;
- une attention particulière aux textures et aux drapés qui rend presque tangible la matérialité des étoffes ;
- des poses dynamiques empruntées aux croquis de mode historiques et aux photographies de défilés ;
- des cadrages qui isolent parfois des détails vestimentaires significatifs et transforment un accessoire en déclaration d’identité.

VERS UNE NOUVELLE ICONOGRAPHIE
« Fashion Show » transposer Konpè Lapen dans l’univers de la mode parisienne mais pas seulement ; elle contribue à créer une nouvelle iconographie créole contemporaine. En fusionnant les influences historiques de la Belle Époque avec des sensibilités esthétiques plus récentes, cette série propose des images fortes qui résonnent avec les questionnements contemporains sur l’identité, l’appropriation culturelle et les politiques de représentation.
Chaque œuvre devient ainsi un manifeste visuel pour une élégance transculturelle qui refuse tant l’assimilation passive que le repli identitaire et affirme plutôt la possibilité d’une présence créole radieuse au cœur même des espaces culturels dominants.
La série « Fashion Show » est actuellement en exposition dans la galerie virtuelle permanente, avec de nouvelles œuvres régulièrement ajoutées afin d’enrichir cette exploration de l’élégance créole réinventée.
La parole mawon : Konpè Lapen comme paradigme d’une esthétique de résistance
La parole mawon : Konpè Lapen comme paradigme d’une esthétique créole de résistance L’obscurité s’épaissit. Des corps se pressent en cercle, respirations suspendues. Une voix s’élève : « Yé krik ! » La réponse fuse : « Yé krak ! ».Avec cette formule magique commence le cinéma le plus ancien de l’espace kréyolphone. Un cinéma sans caméra, sans écran, un cinéma dont les images se projettent directement dans l’imaginaire collectif. Un cinéma dont l’acteur principal, depuis des générations, demeure Konpè Lapen. Le premier cinéaste créole Si l’on définit le cinéma non par sa technologie mais par sa fonction – créer des mondes, projeter des séquences visuelles partagées, orchestrer des émotions collectives – alors le conteur créole traditionnel est notre premier cinéaste. Il manipule le montage (enchaînement des péripéties), le cadrage (focus sur certains détails), la bande-son (onomatopées, rythmes, silences) et la performance (gestuelle, modulations vocales). Sa toile est l’imagination de son auditoire ; sa caméra, la parole versatile. Dans cette cinématographie orale, Konpè Lapen, à la fois acteur, scénariste et metteur en scène, occupe une place comparable aux grandes figures du cinéma mondial. Star incontestée des nuits caribéennes, son nom seul suffit à rassembler un public avide d’aventures. Mais contrairement aux protagonistes du cinéma dominant, sa force réside paradoxalement dans sa vulnérabilité. Petit, faible, sans défense apparente face aux puissants prédateurs qui l’entourent, il incarne une résistance qui ne peut s’exprimer par la confrontation directe mais qui doit emprunter les voies du détour, de la ruse, de la manipulation stratégique. Faut-il y voir un hasard si ce personnage a émergé précisément dans le contexte de la plantation esclavagiste, système où toute résistance frontale était brutalement réprimée?Konpè Lapen est né de cette nécessité : montrer comment survivre et même triompher quand on est structurellement privé de pouvoir. Ses victoires répétées sur Konpè Tig ou Konpè Léfan constituaient ainsi des scénarios de résistance offerts aux opprimés, non comme incitation directe à l’action mais comme laboratoire où explorer les possibilités de subversion des rapports de force. Mawonnaj narratif : la politique du détour Décrypter le rôle politique de Konpè Lapen nécessite de comprendre ce que j’appelle le « mawonnaj narratif ». Le terme mawonnaj (marronnage) désigne initialement la fuite des esclaves vers les mornes et forêts inaccessibles. Par extension, j’utilise ce concept pour qualifier cette stratégie narrative qui, par le détour de la fable animalière, élabore un discours critique camouflé. Le mawonnaj narratif opère à plusieurs niveaux : La dilution contemporaine : un cinéma orphelin de son scénario Aujourd’hui, une inquiétante transformation s’opère. Konpè Lapen, ce personnage multiséculaire forgé dans le creuset des résistances créoles, se trouve progressivement réduit à une figure folklorique inoffensive. Les versions contemporaines destinées aux jeunes publics conservent l’enveloppe narrative (un lapin rusé qui joue des tours) mais évacuent la substantifique moelle politique. Le processus de dilution prend plusieurs formes : La bonne volonté ne suffit pas ; encore faut-il accéder à la connaissance authentique de ces récits dans toute leur profondeur. Cette connaissance réside chez les Anciens, détenteurs d’une mémoire non pas fossilisée mais vivante, capables encore de percevoir dans ces contes leur dimension cathartique et politique. Notre responsabilité est de créer des ponts entre ces gardiens de la tradition et les nouvelles formes d’expression contemporaines. Karibo-futurisme : quand Konpè Lapen conquiert de nouveaux territoires Face à cette dilution, ma démarche artistique propose une voie alternative que je conceptualise comme le « karibo-futurisme ». Une approche esthétique et politique qui projette les figures, mythes et sensibilités caribéennes dans des espaces-temps dont elles ont été historiquement exclues et qui crée ainsi des uchronies visuelles qui décolonisent l’imaginaire. Ma collection « Konpè Lapen Parisien : Chroniques de la Belle Époque » constitue une manifestation concrète de cette approche. En transposant cette figure emblématique de l’oralité créole au cœur du Paris fin-de-siècle, je pratique ce que j’appelle une « réappropriation spéculative ». Un processus par lequel les symboles culturels marginalisés investissent les centres du pouvoir, non en position subalterne mais en conquérants élégants. Cette démarche karibo-futuriste n’est pas une simple fantaisie esthétique. Elle est une intervention politique dans le champ des représentations. En montrant Konpè Lapen vêtu des plus élégantes tenues parisiennes, déambulant avec assurance devant la Tour Eiffel ou trônant sur les podiums de la haute couture, je réalise cette opération qu’Édouard Glissant appelait « forcer la vision », imposer dans le champ visuel des présences que l’histoire officielle a systématiquement effacées. Le karibo-futurisme retourne ainsi la logique coloniale de l’exclusion spatiale et temporelle. Si les cultures créoles ont été reléguées aux marges géographiques (les îles, périphéries des empires) et temporelles (sociétés présentées comme « en retard »), cette approche les propulse au centre géographique du pouvoir colonial et dans une temporalité qui leur était interdite.Konpè Lapen n’est plus confiné aux mornes et aux forêts des contes traditionnels ; il arpente désormais les boulevards haussmanniens, le cœur même de la capitale impériale, avec l’assurance tranquille du conquérant. Kreyollywood : un écosystème pour le cinéma créole Cette réappropriation spéculative trouve son prolongement naturel dans mon concept de « Kreyollywood », un écosystème cinématographique centré sur les langues et esthétiques créoles. Tout comme Hollywood a créé les structures permettant l’émergence et la diffusion globale d’un certain cinéma américain, Kreyollywood vise à développer l’infrastructure matérielle, critique et théorique nécessaire à l’épanouissement d’un cinéma authentiquement créole. Ma thèse sur l’émergence d’une Nouvelle Vague créole dans le cinéma contemporain s’inscrit dans cette vision. Elle identifie le « réel magique » comme fil conducteur reliant le cinéma oral traditionnel aux expressions filmiques actuelles, comme capacité à intégrer naturellement l’extraordinaire dans le quotidien sans rupture ontologique.Dans les contes de Konpè Lapen, les animaux parlent sans que cela constitue une transgression des lois naturelles ; de même, le cinéma de la Nouvelle Vague créole incorpore des éléments surnaturels comme composantes organiques d’une réalité sociale complexe. Le lien entre le conte traditionnel et ces nouvelles expressions cinématographiques n’est donc pas artificiel ou forcé ; il révèle une continuité épistémologique profonde, une manière spécifiquement créole d’appréhender, de représenter etDu Conte au couturier. La métamorphose parisienne de Konpè Lapen
Au sein de la collection « Konpè Lapin Parisien : Chroniques de la Belle Époque », la série « Fashion Show » représente une incursion audacieuse dans l’univers de la haute couture parisienne de la fin du XIXe siècle. Cette série transforme notre protagoniste créole en véritable icône de style, naviguant avec assurance au cœur des défilés et des présentations de mode qui ont contribué à établir Paris comme capitale mondiale de l’élégance..Du Conte à la terrasse : les métamorphoses sociales de Konpè Lapen
ette collection explore une facette inédite de notre héros malicieux : sa vie sociale. Car si Konpè Lapin est un personnage emblématique des contes créoles, une question demeure : qui sont ses compagnons de route ? A-t-il une famille, des amis, des relations ?Métamorphoses créoles : Konpè Lapen réinventé à travers l’art numérique
Au cœur des contes créoles se dresse une figure emblématique : Konpè Lapin. Ce personnage malicieux et toujours victorieux incarne l’intelligence et la résistance face à l’adversité. Transmis de génération en génération à travers l’oralité créole, ce héros aux mille tours a su déjouer les pièges des plus redoutables adversaires